Zoulikha Bouabdellah: Entre Zouleikha et Antiope, j’ai perçu un fil
Explorer le désir, l’exclusion et les traces cachées du pouvoir à travers l’histoire et les mythes.
La galerie présente “Entre Zouleikha et Antiope, j’ai perçu un fil”, une exposition personnelle de Zoulikha Bouabdellah, qui poursuit ici son exploration des rapports de domination et leur empreinte sur les corps, les récits et les affects. Cette exposition ouvre une nouvelle strate de cette réflexion en s’ancrant dans la figure du désir illégitime – symbolisé notamment par Zouleikha, la femme qui poursuit Joseph dans les traditions juive et coranique – et en convoquant d'autres présences marginalisées à travers l’histoire et la mythologie.
Zouleikha incarne à la fois la puissance du regard féminin et sa mise à l’écart ; elle est le corps désirant transformé en faute, la présence agissante réduite au silence. Ce geste de réactivation convoque d’autres figures reléguées : Antiope, exilée et effacée malgré son rôle fondateur ; ou encore Vénus, dont l’adultère exhibé devient à la fois spectacle et instrument de contrôle des corps et de l’intime. Toutes incarnent une violence structurelle fondée sur l’idée d’une domination naturelle, que notre époque déconstruit avec une urgence toujours plus palpable.
Dans l’exposition, dessins, collages, photographies et couteaux aux lames végétales deviennent autant de gestes de réactivation. Il ne s’agit pas pour Zoulikha Bouabdellah d’illustrer les mythes, mais de les traverser, de les détourner, de glisser entre l’offensif et le fragile, entre le tranchant et le fertile. Ses couteaux, inspirés de la flore autant que des armes rituelles, évoquent une chasse inversée : non pour tuer, mais pour révéler, faire ressurgir ce qui fut refoulé. Elle prolonge ici un geste amorcé dans certaines de ses peintures, où les dentelles, volontairement lacérées, deviennent un acte de dévoilement : la délicatesse y devient politique, et la blessure plastique se fait langage.
Comme ces dentelles, les formes qu’elle propose ouvrent une faille dans la surface du visible, laissant remonter d’autres récits, d’autres puissances. En réactivant ces figures invisibilisées ou humiliées, Zoulikha Bouabdellah refuse les assignations et questionne la place accordée, ou refusée, aux subjectivités tenues à la marge. Antiope, Vénus et Zouleikha : autant de noms pour dire l’exclusion, mais aussi la promesse d’une reconquête du sens.